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Voyage autour de ma chambre

"Je cours, dans l'autre sens que la terre. Je cours et me fatigue. Je ne rattrape rien." (Loïc Lantoine)

Bestiole

Publié le 1 Septembre 2013

Bel Anatole, si loin, si proche… Il est six heures du matin et je pars bosser, mais j’y vais le cœur léger, comme une innocente.
J’ai repensé à tes fameuses histoires de chapitres et aussi à tes théories sur l’espace-temps, et j’en ai conclu que j’étais encore dans le premier chapitre (peut-être même à jamais installée dans ce chapitre-là) et que tu en étais déjà au suivant parce que ton temps et le mien ne sont peut-être simplement pas les mêmes. Le tien, parfois si grave et si posé, c’est celui de la raison et de la méfiance. Le mien, sans doute plus futile et léger, celui de l’insouciance et pourtant aussi celui du qui-vive et des aguets. Ils se mêlent dans une petite intersection, un genre de parenthèse, qui est le temps impalpable et indescriptible de l’enfance (je crois que c’est à cet endroit-là que nous nous sommes rencontrés).
Tu es grand. Je suis petite.
Et tu m’as apprivoisée (bien sûr, j'admets avoir un peu forcé le destin).
Je le pressens comme une effroyable réalité à venir, tu te demandes maintenant ce que tu vas faire avec une pareille bestiole dans les pattes. Tu comptes beaucoup sur le temps pour t’aider. Tu te dis qu’une bête sauvage, même apprivoisée, finit toujours par retourner à la forêt et à sa sauvagerie première, peut-être même l’espères-tu ? Une bête sauvage qu’on apprivoise, c’est drôle au début, et puis c’est comme tout, on finit par s’en lasser. Peut-être que je te fatigue déjà, Anatole… Les bêtes sauvages savent bien quand le vent tourne, même s'il faut parfois quand même un fameux paquet de coups de pied avant qu’elles ne se décident à partir, le cœur en lambeaux. Malgré ça, tapies dans l’ombre, elles reviennent souvent voir ce que fabrique l’apprivoiseur, pleines d’espoir, prêtes à accourir au moindre signe. Et elles hurlent à la mort lorsque monte la lune parce que leur ciel à elles est désormais terriblement vide. Elles, jadis si rebelles, si profondément insoumises, les voici réduites à néant. Comprends-tu, Anatole ? Sais-tu bien ce qu’est ce néant là pour une qui a connu la liberté la plus libre?
Lorsque je ne te ferai plus rigoler, ni rêver, ni frissonner, et que d'un œil ennuyé, tu me montreras la porte, je ferai comme ces bestioles. Comprends-tu bien, Anatole ? Je viens d’un pays d’errance et j’y retournerai sans doute si tu m’y renvoies. Saurais-je encore m’y défendre ? J’en tremble d’horreur.
Mais peut-être que je me trompe et que nos temps sont les mêmes, comme le vide qui nous traverse. C’est si neuf et si difficile à comprendre tout ça pour une bestiole.
Je t’embrasse, mon ami.

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